hiver 2006 – 2007
Caroline Fourgeaud-Laville, Attachée Culturelle de l’Ambassade de France nous reçoit dans son bureau à l’IFA
Caroline Fourgeaud-Laville bienvenue à Athènes. Qu’est-ce que cela vous fait de débuter votre carrière en Grèce ?
La Grèce a toujours été pour moi un point de départ. Je l’ai souvent rêvée lorsque j’étais enfant, en collectionnant des images, mais ce n’est qu’à l’adolescence qu’elle est devenue le point de départ de toutes mes rencontres, avec les arts, avec les êtres. J’ai donc été très émue de revenir ici, en tant qu’attachée culturelle, c’était une manière d’officialiser ce lien extrêmement secret et de lui conférer un sens nouveau, non moins personnel mais plus généreux, puisque ce métier est avant tout un métier de partage et de transmission.
Vous avez été éduquée dans un environnement philhellène ?
J’ai, très jeune, appris l’alphabet grec en sachant, mystérieusement, que chacune de ses lettres recélait un univers et une pensée. Je me suis donc placée sous leur protection. Puis j’ai fait la rencontre de Jacques et Sylvia Lacarrière qui m’ont appris à lire cette langue à ciel ouvert, en prenant des trains, des bateaux, en nageant, en serrant des mains, très vite le monde des idées est sorti de sa caverne et s’est incarné !
Vous aimez l’orient ?
Oui, l’orient, l’exotisme, voilà bien des concepts surannés, des fantaisies d’un autre siècle ! Mais l’orient réel, pluriel, est hélas devenu un bien mauvais rêve, fort peu exotique. Tout ce qui tremble dans le regard d’un homme en orient, c’est cette tension permanente entre une aliénante filiation et son impossible inscription dans le monde d’aujourd’hui. En Grèce au contraire, l’antiquité et le présent s’articulent étonnamment, c’est cela le véritable miracle grec. J’ai écrit sur Victor Segalen, un contemporain de Paul Claudel, un grand écrivain et un officier de marine dont la trajectoire toute entière est une question adressée à la notion d’exotisme et à celle, consécutive, d’altérité. Comment vivre parmi les autres ? Voilà bien une interrogation de poète et, sans doute, de diplomate…
Vous vous êtes aussi intéressée à la Bretagne ?
La Bretagne est une terre d’écriture, Chateaubriand, Renan, Segalen sont tous les enfants de cette partie du monde. Il y a des similitudes saisissantes entre ces deux peuples de la mer que sont les Grecs et les Celtes. Je suppose que les grands peuples face à la mer prient le ciel et nomment les choses de la terre avec un identique effroi et un aussi grand répertoire de signes.
Votre arrivée ici coïncide avec l’adhésion de la Grèce à l’OIF et le Centenaire de l’IFA.
Avant de partir j’avais révisé un peu de grec. En arrivant à Athènes tous mes interlocuteurs étaient parfaitement francophones ! Les francophones du pourtour méditerranéen appartiennent le plus souvent à des générations déjà âgées, ce n’est pas le cas en Grèce où, me semble-t-il, le français ne connaît de clivage ni social, ni générationnel. Nous fêterons donc les cent ans de l’IFA en gardant cela à l’esprit : faire du français une langue populaire.
Quels projets avez-vous programmés pour cette année ?
Jean-Michel Ribes nous rendra visite en janvier pour une série de rencontres où seront conviés les grands noms du théâtre grec contemporain. Le musicien Julien Weiss créera un ensemble original avec le maître de chant byzantin Lycourgos Angelopoulos. 2007 s’inscrira dans une double perspective de commémorations et de célébrations, d’hommages et de fêtes. En février, une quinzaine musicale sera dédiée à Melpo Merlier mais nous serons dès le mois de septembre à la pointe de l’actualité artistique avec une grande exposition Fluxus au musée Benaki où Ben et ses amis nous offriront performances et concerts. Enfin, DJ le French, au mois de novembre, nous fera vibrer sur des musiques exclusivement françaises, de France Gall à Daft Punk en passant par Air et Johnny Halliday, ce sera une soirée inoubliable où des projections vidéos retraceront les grands moments de l’institut ! Mais j’invite tous vos lecteurs à venir à l’IFA le 17 janvier à 20h où Fassianos lèvera le voile sur « Parisgorama », une surprise qui vous mettra en boîte !
Quels sont vos coins préférés à Athènes ?
Mon coin préféré ? C’est le pays tout entier que je porte en moi et qui m’accompagne en tous lieux. Je pense à ces vers de Séféris, si bouleversants : « Où que me porte mon voyage, la Grèce me blesse ».