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Télérama 28/08/24

Télérama

Par Caroline Pernès

Texte en ligne

Des textes inédits d’Euripide découverts : “L’Antiquité a encore de l’avenir !”

Un fragment de deux pièces du dramaturge, considérées comme perdues, a été découvert en Égypte. Le papyrus datant du IIIe siècle contient soixante-seize lignes inédites. Un événement exceptionnel.

 

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Le papyrus découvert dans la nécropole de Philadelphie. Photo Basem Gehad

Ébullition dans le microcosme helléniste : un papyrus contenant deux fragments inédits d’Euripide a été retrouvé sur le site archéologique de Philadelphie, en Égypte. La découverte, majeure, est détaillée dans la revue universitaire allemande Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik. Caroline Fourgeaud-Laville, spécialiste de la Grèce antique, docteure en lettres et autrice de Grec ancien express (2023) et d’Eurêka (2022) aux éditions Les Belles Lettres, nous explique les enjeux de cette fascinante découverte.

Comment ces textes ont-ils été retrouvés ?

L’archéologue Basem Gehad dirige les fouilles de la nécropole de Philadelphie. En novembre 2022, il a découvert, dans une des tombes, un papyrus de
27 centimètres carrés datant de la fin du IIIe siècle. Il a immédiatement envoyé une photo à Yvona Trnka Amrhein, une spécialiste de lettres classiques avec qui il collabore régulièrement. Elle a réussi à déchiffrer quatre-vingt-dix-huit lignes du document. En les comparant à une banque de données rassemblant l’ensemble des textes grecs antiques, le Thesaurus Linguae Graecae, elle s’est aperçue que vingt-deux d’entre elles étaient reconnues et attribuables à Euripide. Le papyrus révèle donc au monde soixante-seize lignes parfaitement inédites ! Avec son directeur de recherches, John Gilbert, ils en ont conclu que nous avions affaire à deux œuvres, datées du Ve siècle avant J.-C., que l’on croyait perdues :

Polyidus et Ino.

En quoi est-ce une découverte exceptionnelle ?

C’est véritablement l’histoire d’une résurrection. Les deux textes font d’ailleurs référence à la mort : comment la dépasser ou comment l’éviter. Cette découverte est exceptionnelle car elle nous donne à lire des textes dont nous n’avions que de courtes citations. Par exemple, une formule de Polyidus est restée célèbre car elle est citée dans le Gorgias de Platon : « Qui sait si la vie n’est pas une mort, et la mort une vie dans un autre monde ? » Or le papyrus contient un extrait d’une scène où Minos et Polyidus débattent de la moralité de ressusciter les morts. C’est aussi un miracle technique. Les papyrus sont très fragiles, et nous savons qu’il existe une cohorte de textes absents. Ce sont là de grandes énigmes de l’Histoire, et c’est, je crois, ce qui enchante le public : comment un texte du Ve siècle peut-il resurgir aujourd’hui, traversant à la fois le tamis du temps, de l’espace, des conditions climatiques, des guerres et du jugement critique de sociétés qui ont eu tout pouvoir sur lui, celui de le condamner comme de le sauver ? Des mille deux cents tragédies qui furent jouées dans l’Athènes du Ve siècle, nous n’en possédons que trente-deux : sept d’Eschyle et de Sophocle, dix-huit d’Euripide… Pour déchiffrer et comprendre ces œuvres qui réapparaîtront un jour, nous devons continuer à étudier le grec ancien. Ces prochaines découvertes auront probablement aussi lieu en Égypte, où les érudits et leurs textes ont beaucoup circulé, grâce à Alexandre. L’Antiquité a encore de l’avenir !

Ces textes présentent-ils Euripide sous un jour différent ?

Je dirais plutôt qu’ils confortent un sentiment déjà partagé par beaucoup d’hellénistes. Parmi les pères de la littérature grecque, Euripide occupe une place à part. Il était d’ailleurs très critiqué de son vivant et a dû s’exiler en Macédoine. Il a renouvelé le genre de la tragédie, en développant une forme de sensibilité nouvelle, en décrivant les sentiments, tous les excès humains, et en renouvelant le regard méfiant que les Grecs portaient sur les femmes. Ainsi, Ino est un

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personnage de la mythologie considéré comme une femme démoniaque et cruelle, mais Euripide choisit ici d’en faire une victime rusée.

Pourquoi est-il important que nous continuions à lire les auteurs antiques ?

Nous les érigeons comme des modèles mais, en réalité, ils ont souvent réfléchi, parfois de manière très impudique, sur les expériences désastreuses qu’ils ont traversées. Lire leurs textes permet de renforcer notre capacité de résistance au malheur, notre compréhension d’autrui et de nous-mêmes. Comme avec tous les grands auteurs, lire Euripide, c’est avoir accès à tout un pan de la sensibilité humaine qui, sans lui, nous échapperait. Plus largement, notre culture est marquée par les valeurs issues des auteurs de la Grèce antique : nous pensons avec leurs mots, leurs images et leurs catégories. Il est impératif que nous entretenions ce lien : à leur contact, nous aiguisons notre façon de penser, enrichissons notre vocabulaire et notre présence au monde.

 

Le Nouvel Obs – 08/08/24

https://www.nouvelobs.com/histoire/20240808.OBS92152/c-est-une-histoire-a-la-indiana-jones-des-fragments-d-euripide-retrouves.html
Le Nouvel Observateur Caroline Fourgeaud-Laville

Le Nouvel Observateur

Le Nouvel Observateur

Un archéologue égyptien versé dans l’exploration des nécropoles, une jeune papyrologue américaine et un fameux spécialiste des tragédies grecques. La découverte de nouveaux fragments d’Euripide a tout pour fasciner. « C’est une histoire à la Indiana Jones », s’emballait mardi 6 août au micro de France-Culturel’helléniste Caroline Fourgeaud-Laville. Il est vrai que le monde occidental aime se contempler dans le miroir de l’Antiquité grecque et que cette trouvaille est du genre de celle qu’on fait une fois tous les demi-siècles.

Revue des deux mondes (décembre-janvier 24)

REVUE DES DEUX MONDES 

décembre-janvier 24 La mer, notre avenir

Caroline Fourgeaud-Laville « Victor Segalen, un marin sans ancrage »

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Les mots ont la mémoire longue

Irène Frain & Caroline Fourgeaud-Laville 

podcast : 2 minutes de curiosités sur l’histoire des mots

2 minutes pour partir à la rencontre du mot « écrire »

c’est ici dans => JE GRATTE DONC JE PENSE

LOL

Antiquissimo – Grec ancien express – 19/11/23

Ecoutez en cliquant ici !IMG_0690

Arrête ton char – Julie Wojciechowski – 08/08/23

Lire ici !

On a testé pour vous : le nouveau manuel GREC ANCIEN EXPRESS

 Comme je l’expliquais dans le précédent article, dans Gradatim, on apprend le latin “pas à pas” (un Tome 2 est d’ailleurs prévu). Changement de cap pour le Grec ancien express qui nous emmène dans un périple unique, une course folle dans l’apprentissage du grec ancien toutes voiles dehors.

En autodidacte ou en classe, voici comment le manœuvrer.

 

Une Odyssée

C’est la couleur de la méthode telle qu’elle est conçue. L’illustration de la couverture par Djohr nous le confirme.

 

  • 24 chants, ou plutôt 24 leçons appelées “étapes”.

 

  • Des “passerelles”  nous permettent d’entrer dans chaque chapitre et d’embarquer dans un nouveau point de grammaire qui est énoncé de manière succincte.

 

  • Une “conversation” une fois à bord, toujours courte, 5 répliques en moyenne qui s’appuient sur le vocabulaire déjà vu et qui intègrent le point de langue (repéré d’une autre couleur). Des remarques sous le texte mettent l’accent sur les formes à observer.

 

  • une ”leçon” à part entière qui comprend un ou plusieurs points de langue. Puis quelques exercices d’application (essentiellement l’application de déclinaisons, conjugaisons, l’analyse de forme et quelques phrases de traduction)

 

  • On l’observe ci-dessus, l’étape se referme sur un apprentissage thématique du vocabulaire (famille, école, guerre, cuisine…) ; l’accent est mis sur les ponts entre le grec ancien et le français.

 

  • De “escales” sont comme autant de pauses pendant le voyage dans la langue pour prendre du recul sur les apprentissages, acquérir des méthodes, comme la méthode de traduction, observer la langue, prendre de la hauteur.

 

Ho ! hisse !

Matelots, qui dit apprentissage “express” dit détermination pour agréger toutes les connaissances de manière aussi condensée sans se laisser distraire par le chant des sirènes. Alors comme Ulysse, on resserre les liens et on fixe le cap. 50 minutes en moyenne, c’est le temps annoncé à consacrer à chaque leçon.

L’ouvrage a l’avantage de faire tout en un : aucunement besoin de recourir au dictionnaire ou à une grammaire, tout y est _ sauf la civilisation et l’histoire grecques qui sont condensées dans le 1er ouvrage de Caroline Fourgeaud-Laville dans la Collection, Eurêka.

Je suggérerais bien qu’un sommaire spécial soit créé sur le site compagnon pour que les ponts entre les deux ouvrages soient mis en évidence. En effet, dans le Grec ancien express, les thématiques du vocabulaire à apprendre sont souvent les mêmes que dans les dialogues : par exemple, quand la médecine est abordée ici, il pourrait être intéressant de signaler le chapitre de prolongement culturel qui se trouve dans Eurêka.

 

Il faut, cela dit, voyager avec quelques bagages indispensables. Oui, il est présupposé que l’autodidacte ait déjà appris l’alphabet grec ancien et sache lire de manière à peu près fluide car le livre ne propose pas de transcription phonétique, mais un tableau, au préalable, qui synthétise les correspondances entre lettres grecques et prononciation.

 

 

 

Pour déjouer la “langue aux mille tours”, les exercices sont minces dans cet ouvrage, contrairement à son pendant latin qui fournit un bon butin. C’est pour cela que 5 exercices en moyenne et leurs corrigés seront proposés en complément sur le site compagnon. Comme je l’ai annoncé plus haut, des exercices d’analyse, d’application des déclinaisons et des conjugaisons, quelques phrases de traduction _ pas d’écriture d’invention ou de thème comme dans le pendant latin.

 

Quand je vous avais présenté le Gradatim, j’avais mis l’accent sur l’intérêt que peuvent rencontrer les collégiens ou les débutants du choix de limiter les déclinaisons aux deux premières, et d’avoir pensé l’étude des cas les uns après les autres. Dans le Grec ancien express, la progression grammaticale n’est pas faite pour les marins d’eau douce. Un rappel préalable est fait de toutes les classes grammaticales qui composent la langue grecque; les cas sont tous passés en revue dans une même leçon. Celui qui n’a jamais entendu parler de langue flexionnelle en aura l’explication, mais n’est pas à l’abri de boire un peu la tasse.

 

Comme dans le Gradatim, l’apprentissage du vocabulaire est agrégatif. Chaque leçon vient compléter une banque et seul le vocabulaire vu est utilisé pour composer les dialogues. Ces derniers sont donc censés êtres accessibles à celui qui apprend consciencieusement sa liste de vocabulaire préconisée à la fin de chaque étape. De même, l’attention est portée à présenter le vocabulaire de manière simple, sans génitif tant que les déclinaisons ne sont pas vues, de même sans les temps primitifs pour les verbes tant que ce point n’est pas abordé. Même si certains mots ont déjà leur étymologie commentée dans Eurêka, c’est une minorité car le Grec ancien express propose beaucoup plus de vocabulaire.

On aime :  Un vocabulaire de plus de 800 mots en grec classique. Caroline Fourgeaud-Laville nous assure qu’après visité le Grec ancien express, les auteurs classiques sont accessibles.

 

Une entrée active dans la langue. En cela, c’est un point commun dans le Gradatim dont les auteurs imaginaient que certains textes pourraient être joués en classe. Ici, l’oral est de mise. C’est vrai que le grec ancien est la langue des aèdes. On suit le quotidien du maître Socrate et d’une jeune Athénienne, Zoé, qui, pour coller aux thématiques vues dans le lexique vont dans les différents lieux qui y correspondent comme le marché, la palestre… Voici trois extraits, sélectionnés au début, au milieu et à la fin de l’ouvrage, pour permettre d’observer la variété des thématiques ainsi que le progressivité :


Extrait de la deuxième étape

Extrait de la neuvième étape

Extrait de la vingt-deuxième étape

 

On aime : Des dialogues courts pensés pour être appris par cœur et joués. D’ailleurs, des vidéos des dialogues sont disponibles sur TikTok et Instagram @eurekarolina, ainsi que sur Twitter : @EurekaParis5.

 

La citation authentique en début de chapitre vise un double objectif : la première rencontre avec le texte grec ancien se fait au travers de ses expressions les plus connues, et souvent, mais ce n’est pas toujours le cas, en lien avec les points de grammaire abordés dans la leçon.

 

 

Bouées de sauvetage

  • En fin d’ouvrage : des tableaux récapitulatifs (toutes les déclinaisons et toutes les conjugaisons) ; un double lexique grec ancien-français et français-grec ancien (au final, le lexique retenu est classique et plutôt fréquent) ; une biographie d’auteurs grecs pour une première rencontre avec la littérature ; les corrigés des exercices.

 

  • Un site internet compagnon laviedesclassiques.fr qui fournira des exercices supplémentaires, mais aussi des textes adaptés d’extraits d’auteurs authentiques.

 

 

  • A paraître en octobre, un cahier d’écriture qui ne sera pas un support d’apprentissage de la langue (les mots sont présentés sans leur article, pas de génitif pour les noms ou de temps primitifs pour les verbes) mais une appropriation de l’alphabet grec de manière large : apprendre à former les lettres, apprendre à les dire, connaître leur histoire, savoir les ponts avec le français, découvrir deux prononciations (érasmienne et moderne _ puisque l’apprentissage de l’alphabet grec est aussi une passerelle vers l’apprentissage du grec moderne), s’entraîner de manière libre, jouer…

 

  • La collection Les Petits Grecs à venir, pour une lecture cursive d’un épisode de l’Histoire ou de la mythologie grecques adapté aux lecteurs débutants, permettra de s’entraîner à la lecture-compréhension.

 

En résumé

➡ Pour un autodidacte qui cherche une méthode tout en un. Un millefeuille de possibilités pédagogiques.

➡ La civilisation effleurée, le Grec ancien express a besoin de son pendant Eurêka.

➡ Des dialogues courts pour un apprentissage actif abordable, mais pas de lectures suivies.

➡ Besoin d’un minimum de bagages linguistiques au préalable.

➡ Déclaration d’amour au grec ancien et à l’empreinte qu’il a laissée sur le français.

 

Pour aller plus loin :

Caroline Fourgeaud-Laville évoque l’importance d’apprendre le grec ancien :

Une langue n’est jamais un simple outil de communication : il faut apprendre à l’habiter afin de rendre le monde plus habitable. En rendant à la langue française son grec, nous rendons à la maison-langue ses ornements, ses étoffes, ses souvenirs et ses ravissants bibelots sans lesquels elle s’appauvrirait et notre regard s’éteindrait, manquant d’objets, de couleurs et d’images sur lesquels appuyer nos rêveries et former nos idées… Le grec participe pleinement de cet enrichissement de la langue et conditionne à sa façon l’accroissement de notre projection dans le monde. En initiant les jeunes au grec, nous leur transmettons un peu plus de liberté. Liberté, bien sûr, de relire les textes anciens qui nous apprennent tant sur nous-mêmes. Liberté d’user des mots et d’en créer de nouveaux, abritant de nouveaux concepts. Liberté de penser et d’agir, armés comme Athéna, sages comme elle, dotés des ailes d’une victoire sur tout ce qui voudrait les contraindre, les assujettir en les écartant d’un monde où ils doivent pourtant absolument jouer leur rôle.

_ extrait de GreceHebdo.gr

Et précise le public cible pour Grec ancien express :

Grec ancien express » est le jumeau linguistique d’ « Eurêka ». Il s’agit de proposer un tout en un. Pour apprendre une langue on dispose souvent de trois ou quatre livres sur son bureau : c’est trop. Cette méthode est composée d’une grammaire complète, avec ses synthèses et ses astuces, de leçons et d’exercices, mais aussi d’un lexique bilingue de plus de 800 mots et expressions. S’ajoutent à cela des dialogues afin d’apprendre le grec ancien comme on le ferait d’une langue d’aujourd’hui. Il s’agit d’un voyage en 24 étapes, où le lecteur aura le loisir de faire quelques escales pour des éclairages culturels et historiques comme s’il lisait un roman. Tout le monde peut donc y trouver son bonheur. Les débutants ambitieux, les flâneurs voulant butiner des étymologies, les curieux venant y puiser des citations d’auteurs antiques en version bilingue, les passionnés comme les rêveurs : cette méthode est conçue pour plaire à tous et ne laisser personne hors de la trière !

_ extrait de GreceHebdo.gr

 

 

 

 

Les extraits du manuel Grec ancien express qui sont proposés dans cet article le sont grâce à la contribution de Dorian Flores, chargé de communication pour La Vie des Classiques.

Pour toute question, vous trouverez un interlocuteur en envoyant un courriel à lespetitslatins@gmail.com.

Julie Wojciechowski

A propos ju wo

Professeur de français et des options FCA et LCA dans l’académie de Lille. Passionnée de cultures antiques et de langues anciennes, attachée au rayonnement et à la promotion des cultures antiques dès l’école primaire. Responsable du concours ABECEDARIVM pour l’association ATC.

 

Arrête ton char – Julie Wojciechowski – 13/02/23

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Entretien avec Caroline Fourgeaud-Laville : un voyage réjouissant au pays du grec ancien !

Je suis allée à la rencontre de Caroline Fourgeaud-Laville, docteure ès-lettres, Membre du Centre de Recherche en Littérature Comparée (Sorbonne), qui se présente à nous aujourd’hui avec deux de ses nombreuses casquettes : fondatrice de l’association “Eurêka” au sein de laquelle elle anime des ateliers de grec ancien, et autrice d’Eurêka, mes premiers pas en Grèce antique, aux éditions Les Belles Lettres.

 

Arrête ton char ! : Χαῖρε Caroline Fourgeaud-Laville ! Réjouissons-nous, et si vous le voulez bien, mettons la joie à l’honneur dans cet entretien. 

Caroline Fourgeaud-Laville : En tous cas, c’est ce qui semble caractériser le grec ancien puisque son « bonjour » se dit « χαῖρε » : « réjouis-toi ».  Une langue qui choisit la jouissance et les réjouissances comme salut officiel de la journée qui s’ouvre, que rêver de mieux ?

C’est l’indice premier d’une rencontre avec un langage qui parlera autant à l’intelligence qu’aux sens. C’est une première leçon donnée en forme d’impératif absolu. Réjouis-toi, réjouissons-nous donc !

 

ATC : Et cela vous caractérise bien, n’est-ce pas ?

Caroline Fourgeaud-Laville : Naturellement il m’est difficile de juger, mais en effet j’essaie – y compris lorsque les temps sont au gris ou à la tempête – de ménager un espace de joie en moi pour qu’il soit toujours disponible pour mes élèves, car je crois beaucoup à l’énergie (mot grec) joyeuse de la transmission. Nous avons composé des chansons parodiques afin qu’ils puissent apprendre l’alphabet ou la valeur des cas. Ainsi la musique et le second degré sont toujours au rendez-vous de nos apprentissages. Si vous enquêtez vous verrez qu’il existe quelque part dans le dark web des classicistes une chaîne youtube « Eurêka » où vous pourrez retrouver nos meilleurs tubes…

 

ATC : Vous souvenez-vous de votre rencontre avec l’alphabet grec ? 

Caroline Fourgeaud-Laville : Notre première rencontre se déroula dans un espace-temps qu’aucun logiciel n’aurait pu favoriser. J’ai grandi dans un minuscule village du Limousin, où mon sentiment d’étrangeté a trouvé toutes les raisons de croître en beauté. Je m’étais donc appliquée à bricoler un alphabet traduisant un langage que je passais des heures à perfectionner. N’étant ni Saussure ni Benvéniste, je fus rapidement contrainte à renoncer. Puis il me tomba sous la main, tel un cadeau des dieux, un article de journal évoquant la Grèce, ses temples, ses inscriptions. Ce fut le choc. Je compris que ma langue secrète avait déjà été inventée ! Elle était si puissante qu’elle avait résisté aux siècles et, de surcroît, elle semblait avoir toutes les élégances attendues. Je partis donc à l’attaque de la bibliothèque du village, emprunter tous les ouvrages sur la Grèce. Puis ce furent de grandes chasses dans les rayons des librairies, guettant les temples ou les éphèbes sur les couvertures de livres. Je repartis ainsi, sous l’œil médusé des libraires, avec mon premier Vernant et mon premier Nietzsche sous le bras. Circonstances qui m’amèneraient au grec par la grande porte. Pour la petite anecdote, le hasard me permit de rencontrer Jean-Pierre Vernant bien des années plus tard, et il est le seul auteur auquel j’aie demandé une signature, sur ce livre de l’enfance qui attendait sans le savoir son mythique talisman.

 

ATC :  Quels sont les petits plaisirs qui vous ont accompagnée lors de votre apprentissage du grec, ceux que vous aimeriez que l’on continue de transmettre, et ceux que vous dispensez à travers l’association Eurêka ?

Caroline Fourgeaud-Laville : Parmi tous les plaisirs d’être helléniste, il en est un inavouable. J’ai, toute jeune, considéré cette langue comme un code secret à moi seul délivré. Le grec était mon refuge et ma traversée en solitaire. Puis, le temps passant, j’ai découvert que ce secret était partagé, partageable, et qu’il n’en était pas moins précieux, au contraire ! Je suis sortie de ma caverne. Cette expérience d’apprentissage d’une langue cryptée, opaque, qui possède néanmoins le pouvoir de vous projeter mieux que tout autre véhicule dans le vaste monde de la culture, de la langue, de l’imaginaire, des arts et de la philosophie, m’a absolument captivée. Ce paradoxe vivifiant, cette mécanique incomparable qui combine si harmonieusement les émerveillements d’une exploration de soi aux éblouissements d’une découverte des plus vastes richesses du monde, m’a saisie et littéralement bouleversée. Les petits plaisirs ouvrent souvent sur de grands festins à la table desquels chacun peut s’inviter et trouver sa place. J’observe ce même mouvement chez mes élèves qui griffonnent entre eux des petits mots français écrits avec l’alphabet grec. Ils ont ainsi le plaisir de se sentir appartenir à une société secrète mais, très vite les voici gagnés par le désir de partage, et la première chose qu’ils font dans la cour de récréation est d’initier leurs copains intrigués de les voir manipuler d’aussi étranges figures et sons. Le délice du grec réside peut-être en cela, c’est un secret à partager !

Et puis il y a une multitude de petits plaisirs à apprendre le grec :

Les lettres par exemple. Elles se dessinent plus qu’elles ne se tracent, entraînant mystérieusement votre main à devenir artiste et à comprendre que la beauté est partie prenante de l’aventure grecque…

Les mots : ils se composent comme des petits trains auxquels on ajoute selon l’humeur, un préfixe, un suffixe, une désinence… Les mots sont plus mobiles, souples et modulables qu’en français, et leur sens est sans cesse remis en cause par toutes ces nuances qui viennent les orner  et vous demandent la plus grande vigilance.

Les traductions comportent quant à elles leur lot de plaisirs éconduits. Sont-ce encore des plaisirs ? Oui, car il est heureux de se tromper, de rôder autour d’une phrase et d’être vaincu par elle. Dans un monde où la gagne est le credo absolu, il n’est pas mauvais d’apprendre l’humilité du courage, la fougueuse persévérance qui vous rendra plus solide dans la vie.

 

ATC : Eurêka est cette exclamation attribuée à Archimède, “j’ai trouvé” ! Quelles trouvailles peut-on faire dans Mes premiers pas en Grèce antique ?

Caroline Fourgeaud-Laville : « Eurêka, mes premiers pas en Grèce antique » est un livre généraliste qui devait pouvoir proposer au lecteur un aperçu de l’âge classique qui ne soit pas un simple survol mais un précipité civilisationnel mêlant dans l’éprouvette, Histoire, mythe et langage. Même si la conversation est brève on la préfère nourrie et nourrissante. J’ai donc pris soin d’enrichir l’ouvrage des dernières analyses des chercheurs, des plus récentes découvertes archéologiques, afin que ce regard soit le plus précis et le plus « à jour ».  Enfin, nous pensons tout connaître du Vème siècle, or il regorge de surprises. En écrivant ce livre j’ai mieux  saisi moi-même la complexité de ces quelques siècles qui ont tant marqué l’Histoire de l’humanité. J’ai également introduit dans chaque chapitre ce qui a créé chez moi une surprise en l’écrivant. C’est pourquoi le livre est aussi, à sa façon, un livre de curiosités. Anecdotes croustillantes, détails éclairants, personnages injustement plongés dans l’ombre, tous y ont droit de cité. Les femmes, par exemple, peuplent glorieusement ce livre. Désormais il ne sera plus question de les oublier. Les auteurs anciens faisaient fréquemment allusion aux femmes qui avaient marqué leur temps, mais le tamis historique les a progressivement écartées de nos références. Vous retrouverez donc Agnodikè, Phryné, Kallipateira et quelques autres, mêlées au flot du récit.

 

ATC : C’est le plus gros de la collection des Petits Latins. Il fallait ne rien cacher de cette vaste culture grecque ?

Caroline Fourgeaud-Laville : La pétillante collection des Petits Latins, orchestrée par Laure de Chantal, ne possédait pas encore de titre grec. Le souhait de l’éditrice étant d’ouvrir un espace au grec, il fallait pourvoir poser les premiers jalons. Un livre comme « Eurêka » répondait à ce projet. Le défi était celui-ci : comment tout dire d’une civilisation en moins de 300 pages ? L’enjeu était de répondre aux questions essentielles en synthétisant ce que nous savons depuis toujours mais en corrigeant soigneusement les lieux communs. Pour autant, il serait présomptueux de prétendre avoir tout abordé. Au sortir du livre, le lecteur sentira sans doute plus fortement les zones obscures, les questions sans réponses, les mystères autant que les miracles. J’espère même avoir mis en évidence tout ce qui demeure caché, tout ce qui résiste encore à nos scientifiques, historiens, archéologues, linguistes. Car ce qui est caché est la terra incognita de nos futurs archéologues, le continent inexploré de nos futurs linguistes, l’eldorado de nos futurs chercheurs !

  ATC : Les professeurs du secondaire sont inquiets pour l’avenir de l’enseignement du grec ancien, pourtant on constate un élan vital puissant dans le milieu associatif, un élan tout court pour la culture antique dès le primaire : avez-vous un message d’espoir à leur transmettre ?

Caroline Fourgeaud-Laville : L’association Eurêka est née d’un désir de promouvoir les langues et les cultures de l’Antiquité. Qu’il s’agisse d’Histoire, d’archéologie, de sciences, d’art, de philologie, l’Antiquité nous livre d’extraordinaires trésors à partager. L’idée motrice est de relayer les savoirs et de rassembler des professeurs du supérieur, du secondaire, du primaire, des chercheurs et des amoureux du monde antique. Des jeunes collégiens en passant par des étudiants jusqu’à de jeunes retraités, tout le monde y joue un rôle et chacun y a sa place. Notre mission phare est sans aucun doute l’initiation du grec ancien auprès des enfants en classes primaires. Depuis 2018 nous avons œuvré auprès de six établissements d’enseignement public et animé des ateliers dans une dizaine de lieux. Chaque année nous touchons davantage de public et cette initiative, née au cœur du quartier latin, a désormais vocation à se développer à l’échelle nationale. Depuis la sortie du livre, de nombreux enseignants ont souhaité rejoindre le mouvement, ce qui est très encourageant. Je pense que nous avons tout intérêt à conjuguer nos efforts pour que le grec reste une langue de désir, et un champ de connaissance. Si un enfant de dix ans a fait tomber en lui le mur de la peur, s’il s’est mesuré à un alphabet inconnu, à des sonorités étranges, il ne craindra plus cette langue que l’on étiquette trop rapidement de difficile et d’inabordable. Elle est difficile, certes, mais s’y mesurer est un atout dans la construction intellectuelle et émotionnelle d’un individu. Le message d’espoir est : unissons nos talents et nos énergies !

 

ATC : Avez-vous envie de nous parler des projets qui vous animent pour la défense et l’illustration de la langue grecque ?

Caroline Fourgeaud-Laville : Nous voulons multiplier nos champs d’action, ouvrir de nouvelles sections dans de nouvelles écoles primaires et aller là où le grec n’est pas attendu. Pour cela il nous faut des moyens et surtout de l’énergie. Je ne doute pas que nous parvenions à « helléniser » de nombreux enfants dans les années à venir ! Par ailleurs, nous poursuivons des collaborations avec les musées et des projets de coopération artistiques et universitaires. Une exposition devrait voir le jour très prochainement mettant en valeur les inventions de l’antiquité. Une expédition sur une galère de l’âge du bronze est également au programme de nos réjouissances – tiens, la boucle est bouclée ! –

 

ATC : J’aime bien terminer par la séquence “coups de cœur”… Y a-t-il des mots d’origine grecque qui vous réjouissent tout particulièrement ?

Caroline Fourgeaud-Laville : Mon mot préféré est un verbe, φροντίζω (phrontízô) : penser, méditer, réfléchir, s’inquiéter, se soucier, se préoccuper de, prendre soin… C’est ainsi que je conçois le plus humain des rapports au monde. C’est ainsi que j’espère l’humain, capable de pensée et capable de connivence et d’empathie. Puis j’aime globalement les mots de la troisième déclinaison, abrupts, sauvages, lisibles à même la racine, sans fioriture comme arrachés tout vifs d’un branchage indo-européen : κόραξ (korax, le corbeau), νέκταρ   (nectar) δέλφίς (delphis, le dauphin). Vous voyez, le grec entier est un voyage fantastique mêlé de musiques et d’images.

 

Julie Wojciechowski

 

Lettres Capitales – Dan Burcea – 24/10/23

Lire ici !

Entretien Caroline Fourgeaud-Laville : « Il faut apprendre le grec pour accéder non pas à l’eau seulement mais à la source »

 

 

Le manuel de Grec ancien express écrit par Caroline Fourgeaud-Laville et merveilleusement illustré par Djohr, paraît aux Éditions Les Belles Lettres dans la collection La vie des classiques.

Permettez-moi avant tout de vous poser une question qui pourrait vous sembler abrupte, mais pourquoi doit-on de nous jours apprendre le grec ancien ? Beaucoup vous diront quil s’agit d’une langue morte et donc peu utile, d’autres, conscients de ce que les langues modernes lui doivent, apprécieront sa richesse.

Dans un quotidien traversé de difficultés, un monde secoué de drames, nos vies sont bien souvent directement meurtries ou se font, indirectement, les douloureuses chambres d’échos d’événements tragiques. A ce monde-là le grec a tout à dire. Le grec n’a jamais été plus utile qu’aujourd’hui.

Rappelons-nous combien d’éminents classicistes furent de grands résistants, des vigies efficaces, des hommes pleinement impliqués dans les combats de leur époque.

Songeons à Victor Klemperer qui rédigea dans les années trente près de 2000 pages d’un précis de philologie, conscient que son époque était « un temps de misère communicationnel » favorisant la montée du nazisme. Oui, il faut protéger la langue et résister aux simplifications, a fortiori quand tout va mal. Négliger sa langue, renoncer à enrichir ses moyens de communication, peut menacer la paix sociale en accentuant les incompréhensions, en créant des castes clivées par niveau de langage. La langue est le facteur clivant d’une société, comme l’écriture a pu être longtemps un facteur d’exclusion. Le grec façonne et enrichit le français depuis toujours et nous devons veiller à ne pas l’oblitérer de nos apprentissages si nous voulons maintenir fraternité et égalité au fronton de nos édifices. La liberté, l’éleuthéria grecque, est conditionnée sans doute par ses deux consœurs.

Les heures sombres appellent à elles la lumière, quand l’esprit pourrait s’engourdir ou s’éteindre. Sous le coup des peines répétées, l’exercice intellectuel que suppose cette langue et l’exigence qu’elle suscite vous maintient la tête hors de l’eau. Mais au-delà même des bienfaits de la pure mécanique cérébrale, le grec ce sont surtout des textes. Qu’on se penche sur les tragiques pour éclairer les paradoxes de l’âme et l’éthique des puissances, qu’on ouvre les discours de Démosthène pour s’inspirer de son ressort face aux impasses politiques, qu’on relise l’oraison funèbre de Périclès pour mesurer le poids d’appartenir à une civilisation aux valeurs démocrates et humanistes, qu’on lise enfin chaque matin Marc-Aurèle pour s’assurer, en grec dans le texte, que chacun d’entre nous a un rôle à jouer, quel qu’il soit, chacun à sa mesure, remplissant humblement le devoir singulier d’honorer la vie !

Vous le voyez, le grec est une langue dans laquelle on pense bien. C’est une langue dans laquelle la pensée s’articule si brillamment qu’aujourd’hui encore ses textes sont pour nous d’incomparables ressources. Il faut donc apprendre le grec pour accéder non pas à l’eau seulement mais à la source. Je dirais qu’il faut apprendre le grec pour le lire plus que pour le traduire. La traduction est toujours merveilleuse car c’est un acte généreux, mais j’aime aussi l’idée de laisser le texte sonner avec sa musicalité propre, si forte, qu’on veuille la faire sienne, que le grec se distille en vous, poésie, musique, idées et sang mêlés. Les Guillaume Budé sont idéalement conçus pour cela car ces ouvrages bilingues, publiés aux Belles Lettres, permettent de prendre des appuis discrets sur le français tout en restant le plus longtemps possible sur le grec.

Alors, oui, le grec est plus que jamais d’actualité. Car ce sont des pensées de l’antiquité qui consolent et guérissent les âmes d’aujourd’hui, c’est avec les chants d’amour de Sappho que l’on se prête à rêver d’un nouvel amour, et c’est avec Epicure qu’on cabre le corps et l’esprit d’un même mouvement dans l’adversité. Le grec nous porte certes les enseignements des siècles passés, mais il consolide surtout notre présent en nous assurant de penser un monde plus riche, plus structuré, plus accueillant aussi. Le grec a toutes les qualités requises pour améliorer notre rapport au monde, il est urgent de le transmettre, d’en partager les bienfaits.

Parmi les plus grandes joies de la rentrée il y a sans doute l’acquisition des nouveaux manuels scolaires. Les toucher, les feuilleter, sentir leur odeur, les couvrir avec soin, quels délices renouvelés… À quel élan et à quelle intention répond celui que vous venez de publier ?

Il me fallait poursuivre ce que j’ai initié avec la création de l’association Eurêka : rendre le grec le plus accessible possible. Aujourd’hui la plupart des professeurs ne disposent que d’une ou deux heures hebdomadaires pour enseigner une langue qui en mériterait au moins quatre. Que faire ? Selon moi il ne faut pas réduire la voilure mais plutôt l’adapter. Le plaisir réside dans le défi : créer une méthode express et en faire aussi un livre où l’on puisse aimer naviguer à loisir, perdre son temps, c’est-à-dire en gagner.

À qui s’adresse-t-il ? Faut-il avoir des connaissances préliminaires de grec ancien ou peut-on aborder ce manuel même en étant débutant ?

« Grec ancien express » est conçu pour tous les niveaux. J’ai écarté les termes excessivement techniques qui confinent au jargon pour privilégier une pédagogie accessible aux grands débutants. Les hellénistes confirmés y trouveront la boîte-à-outils idéale pour aborder l’ensemble des notions, règles, tableaux complets des déclinaisons et conjugaisons auxquels s’ajoutent des enrichissements culturels bien précieux. J’aime l’idée qu’on cesse de trouver vulgaire ce terme de « vulgarisation » qui m’est si cher. Décloisonner, transmettre, initier, vulgariser, sont les aiguillons qui ont sans conteste guidé mon travail.

Comment a été reçu votre manuel ? Est-il déjà utilisé, rencontre-t-il le succès que vous lui souhaitiez ?

Ce fut une joie et une surprise. Je n’imaginais pas une seconde qu’un manuel de grec ancien susciterait un tel enthousiasme ! Les établissements d’enseignement se le sont procuré, les enseignants l’ont apprécié et s’appuient sur lui pour développer les cours de l’année, les anciens hellénistes curieux de se rafraîchir mémoire et méninges l’ont acquis pour s’y remettre. Mais surtout, et c’est là le point central : des gens qui n’en ont jamais fait tentent l’expérience. C’est un livre dont le succès a des effets immédiats sur les vocations. Les Belles Lettres, maison d’édition créée en 1919, réussissent admirablement à rester à la pointe du progrès en renouvelant les lectorats, en rénovant les voies d’accès aux langues anciennes.

J’en profite pour vous demander de nous parler à nouveau (nous l’avons déjà évoqué dans une interview précédente1) de l’Association Eurêka, fondé en 2018. 

Nous initions les enfants au grec ancien dans des écoles élémentaires, publiques et privées, de Paris et régions. Notre réseau de professeurs s’enrichit peu à peu à la faveur des nombreux articles et interviews parus récemment autour des livres. Notre action est désormais mieux connue et des professeurs nous ont rejoints, conscients de l’importance d’aller très tôt lever tous les obstacles : le grec est exotique, le grec est utile pour mieux maîtriser le français, le grec développe chez les très jeunes de grandes qualités d’adaptation, de réflexion, une créativité bien appréciable pour aborder la société dans laquelle nous vivons et dont les enfants assureront demain le renouveau avec talent.

Association Eureka

site : www.eureka-paris5.fr

instagram & tiktok : @eurekarolina

twitter : @EurekaParis5

youtube : @eurekaparis5768

Propos recueillis par Dan Burcea

Caroline Fourgeaud-Laville, Grec ancien express, Éditions Les Belles Lettres, collection La vie des classiques, 2023, 308 pages, 15,90 euros

Phusis – Sophie Carmona – 03/10/23

Article en ligne ici !

Enfin le grec ancien à la portée de tous

Docteur ès-lettres à Paris IV-Sorbonne, Caroline Fourgeaud-Laville est membre du Centre de  Recherche en Littérature Comparée (Sorbonne-Université). Elle publie régulièrement depuis 2002  des textes à la croisée des genres, mêlant récits, essais, critique d’art, préfaces et articles, accordant  une part importante au dialogue des arts et privilégiant les collaborations avec les artistes. Elle  fonde en 2018 l’association Eurêka et introduit l’enseignement du grec ancien en classes primaires. 

« On s’envole soudain dans le ciel comme l’oiseau qui exulte. On plonge dans la nuit du  cosmos comme un plongeur dans la mer Tyrrhénienne. On cesse d’être « contemporain », on  devient « extemporain », des mots de Pascal Quignard dans les Ombres errantes qui  expriment la modernité et l’attachement au grec ancien en langue française.

Caroline Fourgeaud-Laville propose aux Editions Les Belles Lettres ce manuel dont la  couverture est signée Djohr, illustratrice et graphiste qui mixe les genres. Un vade-mecum  qui invite au voyage d’un apprentissage vivant et ludique sous forme de séances ou escales  de 50 minutes afin d’acquérir les connaissances de la langue et de la culture grecque.

Une odyssée de 24 étapes pour les néophytes ou même les plus experts en quête de  connaissance, de savoir et d’esthétique. Ainsi Caroline Fourgeaud-Laville préserve  l’influence et la réflexion du grec dans notre présent.

Votre livre « Grec ancien express », véritable méthode innovante s’adresse-t-il à toutes les  tranches d’âge ?  

« Grec ancien express » aurait pu s’appeler « Grec pour tous ». C’est l’originalité de cet  ouvrage qui comporte l’ensemble des étapes qu’auront à franchir les aventuriers de cette  langue pour naviguer dans la haute mer vineuse d’Homère ou dans celle, plus disciplinée,  d’un Isocrate par exemple. On fait ce que l’on veut du navire que l’on vous confie et il n’est  pas interdit de faire du cabotage ou de s’arrêter pour flâner un peu. « Grec ancien express »  permet cela car on peut souhaiter suivre seulement certaines de ses trames : on peut se  consacrer au vocabulaire et à l’étymologie, on peut vouloir n’apprendre que les petits  dialogues pour s’amuser à les mettre en scène comme nous l’avons fait nous-mêmes sur nos  podcasts ( Youtube « Eureka Paris 5 », tiktok @eurekarolina ), ou même faire de longues  escales sur des pages où l’on découvre l’histoire de la langue grecque, ses modes de  fonctionnement, ses infinies ressources de poésie et de culture. Que l’on soit un jeune  mousse ou un helléniste aguerri, ce livre offre toutes les possibilités. Des étudiants m’ont  déjà confié avoir apprécié l’esprit de synthèse qui permet d’embrasser toutes les principales  notions et de les éclairer par des notices pédagogiques les moins jargonnantes possibles, les  plus accessibles. Ce livre devrait répondre à toutes les envies et tous les besoins, il peut vous  faire voyager poétiquement mais aussi vous armer pour de plus longues traversées : à vous  de choisir !

Avec votre association Eurêka, vous avez introduit l’initiation au grec dès l’âge de 7 ans,  pourquoi est-ce si important de commencer l’apprentissage si jeune ? 

L’initiation dès 7 ans ? 7 ou 8 ans, c’est l’âge idéal, car les enfants connaissent souvent bien  la mythologie et rêvent de parler la langue de Zeus ou d’Athéna. Ce qui m’a parfois surprise  c’est de constater que dans bien des cas, la demande de suivre les cours de grec venait des  enfants eux-mêmes, entraînant bien souvent les parents à leur suite : cela devient une  expérience familiale dont chacun peut estimer l’importance. En général, on commence par  l’éblouissement de l’exotisme du nouvel alphabet. C’est un point de départ rituel, une  cérémonie, un passeport. Le nouvel alphabet dont on raconte l’histoire vous détourne de vos  gestes quotidiens de lecture et d’écriture, il ne fait pas appel aux mêmes zones du cerveau.  Le grec ancien a même été employé afin de prévenir ou de corriger la dyslexie ou d’autres  troubles de l’apprentissage chez les très jeunes. C’est un enseignement qui, quel que soit

l’âge où l’on s’y adonne, permet de redevenir enfant en quelque sortes. Tout se passe comme  si l’on avait à nouveau 7 ans. C’est une façon habile d’ôter les étiquettes : avec le grec tout  le monde repart à zéro, puisqu’il faut apprendre à former les lettres, à lire et à écrire. J’ai vu  des enfants en difficulté, intimidés par les apprentissages scolaires, s’ouvrir peu à peu et  gagner en confiance : si l’on est capable de lire une langue illisible, c’est que l’on a en soi la  possibilité de vivre encore bien des conquêtes ! La magie tient aussi en cela : l’échelle  change, on accepte de ne pas savoir et de redémarrer un peu comme dans un jeu de société  quand vous tirez la carte « chance » qui va vous permettre de rejouer, de gagner un tour.  J’aime beaucoup observer chez les débutants cette renaissance joyeuse par le grec.

Quelle est votre rapport à l’art ? 

L’art et le grec ne sont pas très éloignés l’un de l’autre et je les ai toujours combinés sans  anicroche dans ma vie. Il faut dire que le grec ancien fait de vous des artistes. Les enfants  qui apprennent l’alphabet grec, ne l’écrivent pas mais le dessinent. C’est merveilleux de voir  ainsi la main d’un écolier emprunter à celle du calligraphe son tracé voluptueux et précis.  Cette écriture n’en est pas vraiment une pour nous et nos cerveaux familiarisés à d’autres  signes déroutent soudain leurs circuits habituels pour prendre des chemins de traverse  jusqu’ici inexplorés. C’est aussi pour cela que le grec agit profondément sur le  développement cérébral des jeunes. L’art offre, tout comme le grec ancien, un degré,  plusieurs degrés, de compréhension du monde, plusieurs degrés de sens et de plaisirs.

Dans « Eurêka, mes premiers pas en Grèce antique » j’ai parlé des artistes qui sont souvent  les grands oubliés des livres de civilisation. On parle et on décrit les œuvres, on évoque  moins les artistes, leurs trouvailles, leur rôle social. Le monde ne peut se passer de se penser  ou de se rêver. L’un de mes récents émerveillements artistiques s’est produit en cours de  mycénien quand je découvris que l’on pouvait déjà, sur des objets purement utilitaires,  dessiner des mots dont le seul but était ornemental. L’écriture est un art et c’est bouleversant  de constater qu’à l’âge du bronze quelqu’un le savait et allait en laisser un si beau  témoignage.

L’actualité de Caroline Fourgeaud-Laville sera riche de rencontres et de conférences. Une  signature à Paris cet automne en librairie, une participation au salon du livre de Montreuil  et une conférence à la Villa Kérylos en décembre pour clore l’année en beauté ! Puis le  festival des langues classiques de Versailles avec Les Belles Lettres, suivra une rencontre à  Athènes en février, enfin une conférence en mars à Montpellier.  

« Mais je travaille surtout sur de nouveaux livres et au commissariat de l’exposition que  notre association Eurêka devrait monter en 2025 avec le musée Kotsanas d’Athènes.  L’antiquité est plus que jamais d’actualité ! » 

Grec ancien express Caroline Fourgeaud-Laville Photo copyright Antide Viand Les belles Lettres, 15.90 euros https://www.lesbelleslettres.com 

 

RFI – françaisfacile – 02/10/23

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Dictée: «Eurêka, Mes premiers pas en Grèce antique», Caroline Fourgeaud-Laville

« Eurêka », « J’ai trouvé ! », c’est le cri du savant Archimède quand il comprit le principe de la poussée en prenant son bain. C’est aussi le titre d’une méthode d’initiation au grec ancien, ludique, écrit comme un guide de voyage. Faites une dictée à partir d’un extrait de ce livre pour travailler l’orthographe des mots issus du grec ancien.

Écouter – 01:28

«Eurêka, Mes premiers pas en Grèce antique», un livre de Caroline Fourgeaud-Laville.
«Eurêka, Mes premiers pas en Grèce antique», un livre de Caroline Fourgeaud-Laville. © La vie des classiques
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