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Libération

« Jumelle de Tel-Aviv », Libération, jeudi 29 juin 2006, Frédérique Fanchette

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Le haut d’un phare, vu côté terre, le ciel saturé, bleu presque violet, des rues poussiéreuses ou plutôt des pistes de terre battue et de sable, des murs ocre, des ombres qui occupent la rue, affalées comme des chiens sous le soleil, un vieil Arabe conduisant ses moutons, dos tourné à un nuage de fumée…voilà Jaffa, ville mixte et jumelle de Tel Aviv, devenue un faubourg, aujourd’hui prisé par les riches, de la capitale israélienne. Didier Ben Loulou fait dialoguer des images aux couleurs cuites, saisies entre 1983 et 1989 à Jaffa, avec une série datant de 2003 réalisée à Jérusalem, où il vit. Ces dernières photos, huis clos familial dans une cour de la vieille ville, semblent authentifier le texte onirique de Caroline Fourgeaud-Laville. Où l’on voit un nageur apparaître et disparaître à la surface d’un miroir, tandis que des phrases étranges bercent le lecteur. Extrait : « « Je me déshabille pour toi, pour que tu me voies, pour que tu m’entendes » dit le mur, « pour que tu me comprennes » dit la porte. »

 

Le Monde 2

« Amer Jaffa », Le Monde 2, 2006

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Didier Ben Loulou, né en France, travaille en Israël. Ses photographies alimentent nombre de collections de musées européens et américains. Avec ce regard particulier, il montrait déjà dans les années 1980, en format carré couleur, une vision de Jaffa prémonitoire. C’est cette déambulation aux heures de lumière rasante qu’il publie aujourd’hui, faute d’avoir trouvé un éditeur auparavant. A noter un très beau texte, nouvelle de Caroline Fourgeaud Laville.

 

Images magazine

Propos recueillis par Sophie Bernard, Images magazine n°17, Paris 2006

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Didier Ben Loulou travaille depuis vingt-cinq ans sur Israël, où il vit depuis 1993. Ni reporter ni simple témoin, il tisse une oeuvre à la trame complexe, à l’image de cette région. Avec une écriture photographique où les compositions précises et exigeantes du format carré se marient à des couleurs chaudes, il s’intéresse au territoire et aux hommes qui y vivent. La parution de Jaffa, la passe est pour lui l’occasion de revenir sur une oeuvre qui implique autant l’homme que le photographe.
Je n’ai jamais voulu être reporter, ni rentrer dans une agence. Me plier à la notion de commande m’a souvent été difficile. Au début des années 80, j’avais l’impression que tous les reporters faisaient les mêmes images. Pour moi, ça ressemblait, plus ou moins, à du mauvais Cartier-Bresson. Pourtant j’ai toujours envisagé la photographie comme un moyen permettant de témoigner, de prendre position, même politique, car elle en appelle à une certaine responsabilité de l’artiste. J’ai horreur du bricolage, des faux-semblants. J’aime ce qui est direct, frontal et foncièrement lié au réel ! A l’époque il y avait deux camps : le reportage de presse avec son aspect sentimental et, pour schématiser, une photographie moins conventionnelle, plus subtile. Le reportage représentait pour moi ce qu’est le journalisme à l’écriture. Je suis pour une sorte de reportage d’auteur où l’épaisseur du vécu, l’intelligence d’une vision, l’intériorité, se conjuguent. Je crois à cette phrase de Gide : « L’oeuvre d’art est toujours le résultat d’une persévérance inquiète ». Une oeuvre se fait sur la durée, dans une grande solitude, sur de longues années, image après image, série après série, livre après livre.

Jaffa…
J’ai le plus souvent construit mon travail autour de projets longs et tenaces. De 1983 à 1989, j’ai travaillé sur un territoire bien circonscrit , à Jaffa, et plus précisément dans le quartier d’Ajami. C’est une sorte de faubourg, aux confins de la ville, où personne n’aimait à s’aventurer. Cette langue de terre à l’architecture orientale, marquée des traces, des empreintes de la vie d’un autre peuple, s’oppose radicalement au Bauhaus fonctionnaliste de Tel Aviv. Jaffa fut pour moi la découverte de l’autre, de l’absent, de l’exilé. Il m’a fallu des années pour comprendre l’ampleur de ce travail et plus de vingt ans pour faire Jaffa, la passe. Je suis persuadé que les images savent avant nous, et mieux que nous, ce qu’elles renferment. Quant à savoir si c’est une sorte de bilan, je pense que chaque livre ou recueil est une étape qui vient jalonner une démarche. Oui, chaque livre est une passe, car je n’oublie pas qu’il me reste encore à faire mon livre sur Jérusalem…

Jérusalem…
Quand je me suis installé à Jérusalem en 1993, je voulais travailler sur cette ville et en dessiner une véritable géographie intime et mentale. Pendant plus de 15 ans, chaque jour, j’ai fait des images à l’intérieur de la vieille ville. J’ai essayé d’articuler et de tisser entre elles différentes séries : les visages, les lieux, la famille, les lettres. C’est dans une sorte de vertige que j’ai pu bâtir mon oeuvre en ressassant les mêmes ruelles, cours, pierres, murs. Il y a évidemment eu des moments difficiles, la violence, les attentats, l’intifada… Mon approche était aussi risquée que celle d’un reporter, moins l’allégresse de pouvoir passer à autre chose ensuite. J’ai croisé de nombreux photographes de presse là-bas. Je les trouve plutôt pathétiques. Ils ne connaissent rien ou peu du conflit qui agite cette région, ou de manière tellement sommaire qu’ils réalisent le plus souvent des images qui sont déjà usées avant d’être publiées !

Les mots et la photographie…
la nouvelle de Caroline Fourgeaud-Laville vient questionner les images, leur emboîter le pas. Je me méfie toujours des mots et elle, je suppose, des images. La tentation aurait été d’expliquer ce qui est à voir dans le livre et de suivre simplement, de manière linéaire, la narratrice qui se déplace, dans les lieux du livre ainsi qu’à Jaffa où l’auteur a séjourné pour l’écriture de ce texte. L’écriture de Caroline Fourgeaud-Laville vient plutôt butter comme un insecte sur la vitre des images. Elle est dans cette solitude-là, celle d’une écriture qui n’a pas besoin des images. Sa phrase parcourt le livre pour dire sa propre souffrance et, à travers elle, la mienne, la vôtre, et évidemment, celle de Jaffa, symbole d’exil pour les uns et d’asile pour les autres. Jaffa, on le comprendra, raconte cette histoire-là aussi. En fait, nous sommes au coeur même d’une dérive, sur un territoire sans grandiloquence, mais précieux parce que porteur de traces, de vestiges, de restes… Et c’est dans une sorte de fausse débauche de couleurs et de décors que se répondent texte et images. J’ai voulu associer dans ce livre le texte aux images, dans une confrontation des temps, des lieux et des écritures. Caroline Fourgeaud-Laville et moi, nous avons voulu ce livre comme une promenade en apparence anodine. Mais si on sait regarder de près ces images et lire son très beau texte, on comprendra mieux ce que ce territoire de ruines symbolise à lui seul de déchirements.

Histoire et histoires…
La photographie est le plus court chemin entre histoire et Histoire. Je pense avant tout que le photographe, au même titre que l’écrivain, a un rôle très particulier : celui de rendre compte du mystère du monde, des êtres, de la vie et de se situer au plus proche du secret des choses. Ce qu’ajoute l’écriture à la singularité des images réunies dans Jaffa, c’est un pluriel, un pluriel des événements qui s’y sont déroulés, une pluralité des populations qui y ont vécu, leurs passages successifs, mais surtout la superposition des identités, leur intrication. La narratrice, française, suit les traces d’un ami qui a quitté la France pour retrouver ses racines en Israël. Or, et c’est là la face éclairante du récit, on comprend que cet homme s’est égaré au-delà de Tel-Aviv, sur un territoire étranger. Les racines sont dans le déracinement, dans la découverte de l’autre, dans la dépossession. Ainsi l’Histoire des manuels scolaires et des articles de journaux est prise en charge par une petite histoire intime et presque ordinaire. Nous pourrions également dire que la grande Histoire, celle qui voudrait s’écrire sous de fiers drapeaux aux couleurs trop franches, trop tranchées, se trouve soudain prise au piège de la petite. Si j’ai toujours fait la part belle aux focalisations étroites vissées sur l’humain, sa peau, son visage, ses mains, c’est que je sais que la petite histoire est plus inventive que la grande. Les individus s’entrecroisent et s’approprient des gestes, des mots, traversent, transgressent, se touchent, se parlent, hurlent souvent les uns à la face des autres, mais parviennent tout de même à se rencontrer avant de s’abandonner à nouveau, car tel est le cycle immémorial que nous conte Jaffa : la rencontre et l’abandon, la recherche et la trace.

Une quête…
Ce sont tous ces déplacements imbriqués les uns dans les autres qui, je crois, finissent par créer cette tension tout au long du livre. L’écriture de Caroline Fourgeaud-Laville est dans un abandon total, comparable à celui de cette famille originaire de Jaffa que j’ai photographiée dans une cour intérieure de la vieille ville de Jérusalem et qui vient clore le livre. Nous sommes dans une sorte d’errance terrible, où il ne reste plus guère que la folie de cette famille pour nous dire ce que le reportage ne pourra jamais montrer : la perte des images et des mots, un monde d’absence.

Demain…
C’est vrai, je me suis retrouvé enfermé dans une quête où il faudrait toute une vie pour remonter au coeur, au point de gravité de ce lieu. Je n’ai jamais visé pour autant l’actualité ou l’événement. Ce qui m’obsède c’est plutôt l’aspect irrémédiablement hors du temps de cette ville trois fois saintes. Jérusalem devient le lieu de tous les autres lieux, sorte de microcosme où se retrouvent la double filiation du salut “messianique” et celle de la folie guerrière. Aujourd’hui, j’aimerais suivre d’autres chemins, quitter peut-être Jérusalem, aller ailleurs, apprendre à regarder autre chose, une autre ville, apprendre encore d’autres langues, remonter d’autres fleuves, boire à d’autres sources…

Bonjour Athènes

hiver 2006 – 2007
Caroline Fourgeaud-Laville, Attachée Culturelle de l’Ambassade de France nous reçoit dans son bureau à l’IFA

Caroline Fourgeaud-Laville bienvenue à Athènes. Qu’est-ce que cela vous fait de débuter votre carrière en Grèce ?

La Grèce a toujours été pour moi un point de départ. Je l’ai souvent rêvée lorsque j’étais enfant, en collectionnant des images, mais ce n’est qu’à l’adolescence qu’elle est devenue le point de départ de toutes mes rencontres, avec les arts, avec les êtres. J’ai donc été très émue de revenir ici, en tant qu’attachée culturelle, c’était une manière d’officialiser ce lien extrêmement secret et de lui conférer un sens nouveau, non moins personnel mais plus généreux, puisque ce métier est avant tout un métier de partage et de transmission.

Vous avez été éduquée dans un environnement philhellène ?

J’ai, très jeune, appris l’alphabet grec en sachant, mystérieusement, que chacune de ses lettres recélait un univers et une pensée. Je me suis donc placée sous leur protection. Puis j’ai fait la rencontre de Jacques et Sylvia Lacarrière qui m’ont appris à lire cette langue à ciel ouvert, en prenant des trains, des bateaux, en nageant, en serrant des mains, très vite le monde des idées est sorti de sa caverne et s’est incarné !

Vous aimez l’orient ?

Oui, l’orient, l’exotisme, voilà bien des concepts surannés, des fantaisies d’un autre siècle ! Mais l’orient réel, pluriel, est hélas devenu un bien mauvais rêve, fort peu exotique. Tout ce qui tremble dans le regard d’un homme en orient, c’est cette tension permanente entre une aliénante filiation et son impossible inscription dans le monde d’aujourd’hui. En Grèce au contraire, l’antiquité et le présent s’articulent étonnamment, c’est cela le véritable miracle grec. J’ai écrit sur Victor Segalen, un contemporain de Paul Claudel, un grand écrivain et un officier de marine dont la trajectoire toute entière est une question adressée à la notion d’exotisme et à celle, consécutive, d’altérité. Comment vivre parmi les autres ? Voilà bien une interrogation de poète et, sans doute, de diplomate…

Vous vous êtes aussi intéressée à la Bretagne ?

La Bretagne est une terre d’écriture, Chateaubriand, Renan, Segalen sont tous les enfants de cette partie du monde. Il y a des similitudes saisissantes entre ces deux peuples de la mer que sont les Grecs et les Celtes. Je suppose que les grands peuples face à la mer prient le ciel et nomment les choses de la terre avec un identique effroi et un aussi grand répertoire de signes.

Votre arrivée ici coïncide avec l’adhésion de la Grèce à l’OIF et le Centenaire de l’IFA.

Avant de partir j’avais révisé un peu de grec. En arrivant à Athènes tous mes interlocuteurs étaient parfaitement francophones ! Les francophones du pourtour méditerranéen appartiennent le plus souvent à des générations déjà âgées, ce n’est pas le cas en Grèce où, me semble-t-il, le français ne connaît de clivage ni social, ni générationnel. Nous fêterons donc les cent ans de l’IFA en gardant cela à l’esprit : faire du français une langue populaire.

Quels projets avez-vous programmés pour cette année ?

Jean-Michel Ribes nous rendra visite en janvier pour une série de rencontres où seront conviés les grands noms du théâtre grec contemporain. Le musicien Julien Weiss créera un ensemble original avec le maître de chant byzantin Lycourgos Angelopoulos. 2007 s’inscrira dans une double perspective de commémorations et de célébrations, d’hommages et de fêtes. En février, une quinzaine musicale sera dédiée à Melpo Merlier mais nous serons dès le mois de septembre à la pointe de l’actualité artistique avec une grande exposition Fluxus au musée Benaki où Ben et ses amis nous offriront performances et concerts. Enfin, DJ le French, au mois de novembre, nous fera vibrer sur des musiques exclusivement françaises, de France Gall à Daft Punk en passant par Air et Johnny Halliday, ce sera une soirée inoubliable où des projections vidéos retraceront les grands moments de l’institut ! Mais j’invite tous vos lecteurs à venir à l’IFA le 17 janvier à 20h où Fassianos lèvera le voile sur « Parisgorama », une surprise qui vous mettra en boîte !

Quels sont vos coins préférés à Athènes ?

Mon coin préféré ? C’est le pays tout entier que je porte en moi et qui m’accompagne en tous lieux. Je pense à ces vers de Séféris, si bouleversants : « Où que me porte mon voyage, la Grèce me blesse ».

Connaissance des arts

Jaffa, la passe
Connaissance des Arts photo # 12 (bibliothèques livres) 2007

Installé en Israël depuis 1981, Didier ben Loulou nous transmet sa passion pour ce pays à travers des photographies prises à Jaffa dans les années 1980 puis à Jérusalem en 2003. Dans un jeu entre ombre et lumière, il colore et donne un souffle de vie à la ville inerte. La beauté des ciels, l’éclat des bâtisses détruites et des chemins de poussière illuminent avec pudeur et modestie les panoramas de ruines et les âmes heurtées. Au fil des pages, les vues désertes nous laissent sans voix et, comme lors d’un choc, c’est après que les mots viennent. Les mots, ce sont ceux de Caroline Fourgeaud-Laville, auteur qui s’est beaucoup intéressée à la littérature de voyage. Elle narre avec poésie son voyage au coeur de ces paysages, les souvenirs qu’elle en a, la rencontre d’un homme avec qui elle dialogue. “ Les mots des uns tuent les mots des autres et, à la fin, il n’est plus qu’un grand silence sur les pierres.” M.L.

Kathimerini

Paris, a longtime city-muse, Wednesday May 28, 2008

Paris may no longer enjoy the reputation of the most significant metropolis for modern art that it did in the early part of the 20th century, but it is still a city with an important artistic scene and the city where artists from all over the world have come to study or chosen to live.“Paris Peinture,” an exhibition that opens tomorrow at the Theocharakis Foundation for the Visual Arts, is an elegant exhibition that includes works by 22 established international artists who have spent a significant part of their careers in the French metropolis. The Argentinean Antonio Segui, the Italian Leonardo Cremonini, Eduardo Arroyo from Spain and Serbian Vladimir Velikovic are among them.Alekos Fassianos is the only Greek artist included in the exhibition.The paintings are all large and presented alongside a large text on the work and the artist. The same format has been used for the exhibition’s well-designed catalog.Photographs of the artists taken by Didier Ben Loulou are also juxtaposed next to the paintings. The exhibition is organized in collaboration with the French Institute in Athens and is curated by Caroline Fourgeaud-Laville, the cultural attache of the French Embassy in Athens.“Paris Peinture,” at the Theocharakis Foundation for the Visual Arts and Music (9 Vassilissis Sofias & 1 Merlin, 210.361.1206), to November 2.

La République des livres de Pierre Assouline

Ce que nous disent les tableaux

22 juin 2008

jpg_AssoulinemacaigneIl n’y pas que Fontaine-de-Vaucluse ! Et si d’aventure cet été vos pas devaient vous porter du côté d’Athènes, arrêtez-vous à l’Institut Français, hors du circuit habituel des touristes, vous ne le regretterez pas. Une exposition originale s’y tient depuis peu et jusqu’au 12 octobre sous le titre “Paris Peinture”, parce qu’elle réunit des parisiens d’adoption venus des quatre coins du monde. La commissaire Caroline Fourgeaud-Laville a eu l’idée d’y mettre en regard des écrivains ou des poètes et des peintres et de se faire leur agent de liaison. Vingt deux à côté de vingt deux. Un dialogue de signes sur les murs même puisque le texte et la toile se touchent. Tous invités à écrire sur/à propos/ autour d’une oeuvre en se gardant bien de la commenter, ils se sont piqués au jeu et voués à l’exercice avec une curiosité parfois mêlée d’inquiétude (ce qui fut mon cas à l’instant même d’écrire autour de La blessure cauchemar de Jean Rustin). Antonio Tabucchi parle de la voix d’Adami telle qu’il l’entend en regardant son Orlando furioso déracinant un arbre, Serge Fauchereau a écrit une fable sur une boîte de sardines françaises gonflée d’orgueil pour Le ramoneur à l’envers d’Eduardo Arroyo, Régis Debray a rendu hommage à “la faculté adamantine” de Leonardo Cremonini, Yves Bonnefoy a médité sur la représentation et la lumière à l’oeuvre chez Alexandre Hollan, Jean-Christophe Bailly a rendu encore plus énigmatique Enigme No3 de Jacques Monory, Colette Fellous a bien rendu la milonga du voyageur qui surgit d’une acrylique de Segui… Il s’en dégage comme un parfum d’amitié même si tous ne sont pas liés par des liens tels que Jean-Marie Drot le proclame fièrement à propos de Alekos Fassianos, ou que Marcel Moreau les évoque à propos de Vladimir Velickovic, son “ami considérable”. Mais on se prend à croire que tout écrivain voudrait adresser au spectateur de “son” peintre ce que le poète François Cheng a écrit “A celui qui contemple l’oeuvre de Zao-Wou-ki” : “Entends-tu ce Souffle qui vient de loin,/ plus loin que tout horizon,/ plus loin que toute mémoire ? Ne l’entends-tu pas résonner/ Pourtant, basse continue,/ au plus intime de toi ?…”. Pierre Alechinsky ayant choisi d’envoyer fort opportunément Athènes en lecture,1980, une encre et acrylique sur plan de ville, marouflé sur toile avec une prédelle (141×221cm), le poète libanais Salah Stétié a écrit un poème qui s’achève ainsi :

“(…) Car les images c’est la mort et il faut que vive la mort/ La mort n’est jamais la mort elle est sommeil de la vie/ Il faut que la mort traversée soit le fleuve d’une autre Afrique/ Afrique au-delà de l’Afrique pays plus loin que nos pays/ Un autre espace un autre temps/ Avec nos rêves nos objets nos trois dimensions habitables/ Car là-bas est ici dit-il car ici est dit-il là-bas/ Ouvrez un peu plus vos fenêtres vous verrez un très bel oiseau/ Un grand paysage inconnu un astre d’air des graffiti/ Il fallait y penser dit-il il fallait surtout en rêver/ Il fallait faire et puis défaire et puis refaire/ Et si les anges volent dit-il c’est qu’ils se prennent à la légère/ C’est quoi ? c’est qui ?/ C’est un poème et l’effort du temps dans l’espace/ C’est la montre d’Alechinsky”.

De Salah Stétié, Dominique Autié, écrivain, éditeur et blogueur mort le mois dernier des suites d’une longue maladie, disait joliment qu’il est “pontonnier entre Orient et Occident”. Cette exposition est de celles qui suscitent des rencontres entre eux d’abord, entre eux et nous ensuite, car on y sent ce que Michel Leiris appelait ”une présence” dans les textes qu’il consacra à Francis Bacon (Au verso des images, Fata Morgana, 1980). Elle ne surgit que lorsque celui qui lit le tableau a un regard aussi attentif que son écoute, le seul qui permette de déceler si une oeuvre vit, si elle existe. Seule cette présence permet à une oeuvre d’art de nous expliquer ce qui nous arrive mieux que nous ne saurions le faire.

http://passouline.blog.lemonde.fr/

RTBF

La Première, RTBF

émission « Culture Club », 21 juillet 2008
CFL au micro de Laurent Dehossay

France culture

Carnet nomade, Colette Fellous. 7 septembre 2008

avec la participation de : Caroline Fourgeaud-Laville, Gérard Titus-Carmel, Claude Garache, Alexandre Hollan, Alekos Fassianos.

écouter l’entretien